dimanche 25 janvier 2015

JOURNAL (KATHERINE MANSFIELD) ET L'ACIDE CARBONIQUE


En tant que lecteur de journaux, je suis ravi de lire des choses comme celles que Katherine Mansfield écrit dans le sien :
- 30 septembre. J'espère que cette plume écrit bien. Oui, elle va bien.
- Événement extraordinaire. Des  chaussures qui n'avaient jamais grincé commencent maintenant à grincer.

Et moi-même j'ai écrit l'autre jour dans mon journal combien m'ont coûté trois kilos d'oranges,  avec l'idée qu'un anthropologue de l’Oklahoma, qui ferait sa thèse en 2042 au sujet du prix des fruits en Espagne au début du XXIème siècle, puisse travailler à son aise en consultant la donnée dans le livre de la bibliothèque .
Mais allons à ce qui nous occupe, à la science; en 1922 elle écrivit :

L'eau de Saint Galmier est ici remplacée par celle de Montreux, qui est saturée d'acide carbonique d'après l'étiquette. Cependant mon livre de physiologie disait que l'acide carbonique était un poison mortel que nous exhalions et que nous absorbions seulement dans des situations désespérées. Mais d'après les docteurs Bitter, Spingel et Knechtli, il donne des résultats merveilleux pour les calculs rénaux et rend l'eau pétillante comme le champagne. Ce sont  les Mystères Mineur…


L'acide carbonique est une farce; l'auteur de ce blog affirme que Katherine Mansfield (ou bien sa traductrice Ester de Andreis) confond acide carbonique avec anhydride carbonique ou dioxyde de carbone. Je pense qu'il n'existe pratiquement pas en présence d'eau, il se décompose en donnant du dioxyde de carbone qui est le responsable des petites bulles. J'aime voir comment Katherine Mansfield consulte toute hypocondriaque son livre de physiologie, l'équivalent de l'époque à Google et Wikipédia. Et quand elle dit qu'il est vénéneux, elle le confond à mon avis avec le monoxyde de carbone.

lundi 19 janvier 2015

LA VOLONTE (AZORIN) ET L'ENTROPIE

Cette vie est une chose absurde ! Quelle est la cause finale de la vie ? Nous ne le savons pas : des hommes viennent à la suite d’autres hommes sur un morceau de matière qui s’appelle monde. Ensuite, le monde devient inhabitable et les hommes périssent; plus tard, les atomes se combinent d’une autre manière et donnent naissance à un monde flambant neuf. Et ainsi jusqu'à l'infini ? Il semble que non; un physicien allemand – parce que ce sont les Allemands qui  connaissent ces choses là – pense que la matière perdra finalement son énergie potentielle et deviendra inutilisable pour de nouvelles transmutations. Digne couronnement !  Spectacle surprenant! La matière usée d'autant de foules de mondes, restera – où ? – éternellement comme un énorme tas de décombres. Et cette hypothèse – digne d'être un axiome – qui s'appelle l’entropie de l'univers, est finalement une consolation; c'est la promesse, un peu longue, Aïe, du repos de tout, de la mort de tout.
Nous savons qu’une imprécision scientifique n’enlève de valeur artistique à aucune œuvre, et que saisir les gaffes n’est pas l'objectif de ces textes, mais je pense que le physicien auquel fait allusion Azorín est Boltzmann, qui n’était pas Allemand mais Autrichien. À moins qu'il ne fasse référence à Rudolf Clausius, qui techniquement n'était pas non plus Allemand. C'est vrai que l'entropie était un concept relativement nouveau à l'époque où ce roman fut publié, à la manière dont il raconte que les moulins à vent étaient installés depuis peu en Espagne à l’époque de Don Quichotte et qu’ils pourraient facilement attirer l'attention des contemporains, de telle façon que les confondre avec des géants n'était pas une si grande folie.


Il n'est pas habituel dans ces entrées qu’apparaissent deux textes cités, mais aujourd'hui il y a un bonus track; quand le mot entropie apparaît dans le roman pour la première fois, l'éditeur E. Inman Fox insère cette note explicative en bas de page :
Une théorie de nature évolutionniste très populaire pour certains vers la fin du 19ème siècle, qui affirmait qu’à cause de la perte d'énergie physique, l'univers marchait vers le désordre et la destruction.